C’est le biologiste britannique Conrad Waddington qui inventa en 1942 le néologisme « épigénétique » signifiant qu’il y aurait au-dessus de la génétique (epi, en grec, signifiant sur) des mécanismes capables de modifier l’expression de nos gènes.
Il s’agit d’une authentique révolution qui considère que tout n’est pas programmé, chez nous, génétiquement, à la naissance. Chacun peut agir sur son environnement, son comportement, son mode de vie, son alimentation, la gestion de son stress et autres paramètres nous permettant de vivre en meilleure santé et plus longtemps.
Une observation essentielle accrédite les espoirs que font naître l’épigénétique. Le séquençage (récent) du génome humain a permis d’identifier les 25 000 gènes composant notre ADN. Or si chaque cellule de notre organisme contient strictement ce même capital génétique, ces cellules ne fonctionnent pas à l’identique.
Sans multiplier les exemples, les cellules musculaires ne jouent pas le même rôle que les neurones, ou celles du cœur ont une action bien différente de celles de l’épiderme. Cela montre bien qu’il y a une certaine plasticité du vivant, des mécanismes qui peuvent changer l’expression de nos gènes sans que notre séquence d’ADN soit modifiée.
L’objet de l’épigénétique est d’évaluer quels sont les facteurs internes et externes, propres à chacun de nous, ayant la capacité de moduler nos déterminants génétiques. C’est une prise de conscience qu’un dépassement de notre déterminisme génétique est possible.
Parmi ces facteurs sont essentiels notre hygiène de vie et notre régime alimentaire. A ce sujet, un exemple extraordinaire illustre de façon pédagogique ce qu’est l’épigénétique dans le règne animal (auquel l’homme appartient, ne l’oublions jamais). Dans une ruche il y a environ 60 000 abeilles et 1 reine, une seule. Ces abeilles et leur reine ont le même capital génétique. Or les abeilles vivent 45 jours environ, et leur reine jusqu’à 5 ans ! Certes la vie des ouvrières est intense, mais celle de leur reine plus encore : chaque année, de février à octobre, inépuisable, sans relâche, elle pond entre 1 500 et 2 000 œufs par jour ! Le secret d’ordre épigénétique de cette longévité si différente, alors que l’ADN des abeilles et de leur reine est le même, repose dans l’alimentation. Les abeilles se nourrissent exclusivement de miel et de pollen et la reine, elle, ne consomme exclusivement que de la gelée royale.
Nombre de laboratoires, dans le monde, depuis quelques années, procèdent au décryptage des mécanismes épigénétiques dans la perspective d’une médecine prenant en compte les modulateurs de ce que l’on peut nommer l’épigénome (en comparaison du génome). La biotechnologie, en particulier, travaille à établir une cartographie épigénétique. Une pharmaco-épigénétique se développe également à l’aube de notre XXIe siècle.
Le but de ces recherches est de réorienter la médecine pour qu’elle devienne Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative (c’est à raison que nous avons mis des majuscules). Sont surtout concernés : la cancérologie, le traitement des maladies auto-immunes et celui des maladies dégénératives liées au vieillissement.
Jean-Luc DARRIGOL
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